À l'occasion de la sortie de Völkerball aux USA et de la sortie d'Emigrate, The Gauntlet a interviewé Richard Z. Kruspe le 11 novembre 2007.
The Gauntlet : Comment ça va?
Richard : Ca va bien, merci. Je suis très occupé. C'est dément en ce moment, je ne sais pas pourquoi. Je ne suis pas habitué à faire toute cette promotion par moi-même. Mais on m'a demandé de le faire.
The Gauntlet : C'est bon signe. Si ce n'étais pas le cas, tu serais inquiet.
Richard : Oui, absolument. Je ne pense pas avoir jamais obtenu tant de bons articles de la presse et des journalistes. Je trouve ca génial. Ca semble être le seul moyen de savoir si un disque est un succès, puisque les gens n'achètent plus les disques. Une chose que les gens disent est que plus ils écoutent, plus ils aiment.
The Gauntlet : Je suis d'accord. L'album est complexe.
Richard : Il l'est. Ce que j'aime c'est qu'au début on peut entendre d'où je viens. Lorsque l'album continue, il prend une tonalité différente que j'adore. J'ai été surpris l'autre jour quand je l'ai écouté, d'à quel point il était orienté rock. Depuis le début je m'attendais à ce qu'il devienne un album sombre. Es-tu d'accord?
The Gauntlet : je suis d'accord. La première chanson "Emigrate" est très Rammsteinesque. J'aime la chanson, mais je me disais que le reste de l'album suivrait, et qu'Emigrate serait juste un Rammstein 2. Mais après cette chanson, le vrai album émerge.
Richard : Exactement.
The Gauntlet : Est-ce que "Emigrate" était une chanson qui n'a pas trouvé sa place sur un album de Rammstein, mais que tu aimais vraiment?
Richard : [rires] C'était une des chansons dont j’étais vraiment triste qu'elle ne soit pas enregistrée avec Rammstein. J'adore écouter la musique dans ma voiture. Je place beaucoup d'efforts et d'argent dans l'équipement sonore de ma voiture. Pour différentes raisons j'ai été suppris en train de juste écouter un CD dans ma voiture. Ca donne une autre dimension à la musique.
The Gauntlet : J'avais l'habitude de faire la même chose, mais maintenant j'ai des enfants, donc mettre à fond la radio dans la voiture est un peu difficile.
Richard : Ah ouais? Combien d'enfants as-tu?
The Gauntlet : J'en ai 2, deux filles de 2 et 6 ans.
Richard : J'en ai aussi 2, mais ils sont plus âgés. Ma fille a 17 ans en février, et mon fils a 15 ans en décembre.
The Gauntlet : Je n’arrive pas à m'imaginer avoir une fille adolescente.
Richard : Ce n'est pas une chose pour laquelle j'étais vraiment préparé. Je n'étais pas vraiment un père quand on vivait ensemble. Une fois divorcé, en gros pendant les 6 premières années, on a partagé la garde des enfants. Ils vivaient avec moi pendant 2 semaines, et ensuite avec leur mère pendant 2 semaines. C'était également facile au début quand elles sont devenues ado. Je me souviens quand leur mère m'appelait et voulait que je revienne. Je suis plutôt un père cool, mais j'ai mes limites. En tant que père, quand je dis non c'est non, mais je suis plutôt tolérant. Je sais que les gamins ont besoin d'une ligne ou d'une frontière. Je me souviens quand je suis revenu de l'enregistrement de "Reise, Reise" en Espagne. C'était une des pires semaines de ma vie. Je ne pouvais pas... Je ne savais pas quoi faire. Je ne crois pas en la violence ou quoique ce soit. J'ai préféré parler avec ma fille pendant des heures et des heures et elle m'a fait croire qu'elle comprenait. Mais la seconde d'après elle était partie de nouveau. Elle n'irait pas en classe, volerait, mais c’était juste une seule de ces choses. Et puis finalement ça c'est juste fini. J’espère que ca restera comme ça. Je pense que c'est juste cette génération. Ils n'ont aucune conscience dans un sens. Ils ne sont pas très politiques. Elle va être avec des potes et ils auront l'air perdu. Peut-être que c'est parce que j'ai grandi en Allemagne ou autre. Quand je grandissais, j'avais des objectifs. Je ne pense pas que les gamins d'aujourd'hui ont encore des objectifs.
The Gauntlet : C'est mon gros problème. J'espère que ma fille comprend ce que je dis. Est-ce que tes enfants savent que leur papa est Richard de Rammstein? Est-ce que sa signifie quelque chose pour eux?
Richard : Ma fille écoute toutes mes chansons de Rammstein car elle est terriblement honnête. Si elle n'aime pas quelque chose, et ne l'aime pas. Mais je ne peux plus la solliciter car elle sait comment me contenter. Elle sait comment me faire plaisir et s'en sortir.
The Gauntlet : Je peux imager que quand elle devient plus âgée c'est du genre : "super chanson, papa, je peux avoir les clés de la voiture?"
Richard : Exact, exact. Je l'ai beaucoup sollicité avec les chansons de Rammstein et en quelque sorte elle a grandi avec. C'est le problème, une partie de ce que j'ai mal fait. Elle a eu pas mal d'attention pour au final n'avoir rien fait. Elle n'a pas vraiment expérimenté les problèmes de la vie. Tu dois te bouger le cul dans la vie pour arriver quelque part. La discipline est quelque chose que beaucoup de personnes ne connaissent pas. Mon beau-père me battait jusqu'au sang, mais à la fin de la journée, je devenais vraiment discipliné. Je ne dis pas que c'est la bonne chose à faire, mais au final, la discipline est ce qu'il faut pour avoir du succès. Être la fille de quelqu'un qui a réussi est difficile. Elle doit réaliser ces choses elle-même. J'espère juste qu'elle va comprendre tout ça un jour ou l'autre.
The Gauntlet : Je déteste changer de sujet, nous pourrions parler des heures de nos enfants, mais tu as un album qui arrive bientôt.
Richard : [rires]
The Gauntlet : Est-ce qu'Emigrate est un projet parallèle, est-ce que ca a commencé en tant que side-project, dans quelle direction ça va?
Richard : En fait ca a commencé en tant que projet, et c'est devenu un groupe. C'est quelque chose que je continuerai tant que ca me permettra de m'équilibrer en tant que personne. Pour moi, la chose important les dernières années est que je n'étais plus content de ne jouer que dans un groupe. Je suis le genre de gars qui a un peu trop d'énergie. C'était comme si tu aime le gâteau au chocolat, c'est bien, mais si on te force à en manger tout le temps, tu va vomir. Emigrate m'a donné la possibilité de partager mon énergie en deux. Je n'ai jamais cru en la monogamie. J'ai toujours cru à la dualité de la vie. Mais pour moi, créer une nouvelle identité et vraiment séparer ces deux vies était une énorme possibilité au début. C'est pourquoi je pense qu'Emigrate est plus une cure pour moi-même. Ca me permet de revenir à Rammstein en étant le guitariste heureux.
The Gauntlet : La façon dont tu décris Rammstein sonne comme si c'était terrible.
Richard : Non, chaque groupe a son propre rythme. Pour moi travailler trop ou pousser trop n'était pas bon pour le groupe. Si t'es dans une voiture en conduisant à 200 et que les autres pilotes conduisent à 100, il va vite falloir une ambulance. Tu dois réaliser dès le début quel est le rythme du groupe; quelle est la vitesse du groupe. J'étais vraiment énervé et je l'ai pris mal au début car je pensais que je faisais de super choses pour le groupe. Une fois que j'ai pu prendre de la distance par rapport au groupe, j'ai réussi à réaliser que le groupe avait son propre rythme. La chose la plus importante est de garder le groupe ensemble. Tellement de groupes se retrouvent exposés et travaillent d'arrache pied pour au final exploser. Qu'est ce qui ressort de bien en étant là pour 5 ans et splitter? C'était le problème. Me séparer entre deux groupes était ce dont j'avais besoin. J'ai toujours pensé que je devrais chanter. C'est une chose dont tous les guitaristes rêvent. Je ne pourrais pas m'imaginer vieillir sans avoir essayé. Quand je suis arrivé aux USA en 2001, j'écrivais et j'écrivais. New York m'inspirait vraiment en réalité. Je ne savais pas ou ca allait me mener. Mais après toute cette écriture, j'ai simplement décidé de le faire. Je devais surmonter cette frustration et chanter. C'était moins à propos du chant à proprement parler, mais plus à propos de la bonne attitude à adopter pour chanter. Si tu as quelque chose à dire, tu te dois de bien le faire. Rammstein est une telle démocratie.
The Gauntlet : Est-ce pour ca qu'Emigrate a été créé, pour retrouver le contrôle de ta vie?
Richard : Ouais, ouais. C'est frustrant au bout d'un moment d'avoir une vision forte. Je suis un gars créatif et ca devenait si frustrant d'avoir à faire des compromis tout le temps. Même si ca fonctionne. Les compromis ne sont pas une bonne chose pour moi. Je l'ai pris trop personnellement. Je crois en une équipe. Je crois également à la chimie d'un groupe. Je pense que j'aime être celui qui prend les décisions. Je pense que la musique elle-même est le roi, mais je veux être la reine. Ca nous a pris pas mal de temps pour le comprendre. En ce moment, nous sommes dans une position où nous sommes tous heureux de nouveau. Nous sommes égaux. C'était la chose la plus importante. Pour revenir à Emigrate, ca me donne plus de contrôle par rapport à ce que je veux faire. C'est une bonne chose, mais peut aussi être une mauvaise chose. Ca me manque de ne plus pouvoir débattre de certaines choses.
The Gauntlet : Est-ce que c'est plus satisfaisant d'être le leader d'un groupe?
Richard : Je n'y ai pas vraiment pensé de cette façon. C'est plus à propos de moi me sentant comme un compositeur, et arriver à exprimer ce que ma vie a été. Même quand j'ai commencé à jouer de la guitare, j'étais plus intéressé par la chanson et comment on pouvait la jouer, et ce genre de choses. En ne pouvant pas utiliser ma voix avec Rammstein, ma musique avait toujours cette touche dramatique et maussade. Pour moi, ca ne sonnait pas complètement. Je voulais utiliser ma voix pour la faire sonner bien. C'étais la chose la plus important pour moi, écrire mes chansons pour ma propre voix. Je voulais juste être un compositeur entier.
The Gauntlet : Jacob Hellner et Stefan Glaumann ont été amené à produire et mixer l'album?
Richard : Ce n’est pas tout à fait vrai. Le groupe que j'ai rassemblé n'avait jamais joué ensemble, et j'étais nerveux à propos du scenario. Vous pouvez construire un super groupe sur le papier, mais jusqu'à ce qu'ils soient ensemble dans la pièce, la chimie peut être mauvaise. Parce j'étais nerveux au début, j'ai demandé à Jacob de nous rejoindre. Une fois que j'ai réalisé qu'il n'y avait pas à se faire de soucis, il est finalement juste devenu un consultant. Nous avons écrit 17 chansons en 2 semaines. Avec Stephan, il y a beaucoup d'ingénieur du son que j'admire, mais je ne pouvais pas me les payer. J'ai pas mal travaillé avec Stephan sur Rammstein et c'est un type en qui j'ai confiance. Je dois admettre que ce n’était pas facile au début. Il essayait d'adapter le son de Rammstein à celui d'Emigrate. J'écoutais les chansons et j'étais assez frustré. Ce n’était pas la façon dont je m'imaginais les chansons. Je n'arrivais pas vraiment à lui expliquer. Alors je suis revenu et j'ai toujours utilisé une métaphore d'un cube pour expliquer Emigrate. Je ne sais pas d'où c'est venu. Je lui ai parlé d'un son "cube", et je lui ai dit que ca devait être plus cubique, et ca a marché. A partir de là il s'est écarté du son Rammstein. Jacob venait et écoutait les chansons et nous faisait savoir si il aimait ou non. Nous avons échangé les rôles. J'ai vraiment aimé ça à la fin. Cependant j'étais vraiment nerveux sur le fait d'inverser les rôles. Stephan était super car on pouvait avoir ses opinions sur les chansons. Avec le mixage il y a tellement de directions à prendre avec une chanson. C'était bien qu'il écoute mon opinion et il a fait un super travail.